Une désinvolture largement partagée

De qui faut-il s’horrifier, de la désinvolture cynique de Matteo Salvini ou de la paralysie des autorités européennes qui s’y apparente ? À nouveau, celles-ci se retrouvent confrontées à une situation devenue répétitive : l’Ocean Viking et l’Open Arms ont à leur bord plus de 500 réfugiés sauvés en mer d’une mort certaine et ne sont pas autorisés à les débarquer dans un port sûr, comme l’exigent les conventions internationales, faute d’un accord préalable de répartition de leur prise en charge.

L’Ocean Viking fait route vers le nord après avoir refusé de suivre les instructions des autorités maritime libyennes l’enjoignant de débarquer les 356 rescapés à son bord en Libye. 151 réfugiés attendent en mer sur l’Open Arms depuis 14 jours, dans des conditions éprouvantes, à la limite des eaux territoriales italiennes. Un tribunal administratif saisi par ses soins l’ayant autorisé à pénétrer les eaux territoriales afin qu’une « assistance immédiate » soit apportée, sans préciser si les réfugiés sont autorisés à débarquer, le navire se dirige vers l’île italienne de Lampedusa afin de demander que toutes les personnes à bord soient examinées.

Matteo Salvini a annoncé faire appel devant le Conseil d’État de la décision du tribunal administratif de suspendre son décret d’interdiction de pénétrer dans les eaux territoriales. Puis il a signé un second décret visant l’Open Arms, au motif que l’ONG l’affrétant poursuivait un « objectif politique » en ayant « systématiquement récupéré des personnes pour les amener en Italie ». Mais Elisabetta Trenta, la ministre de la Défense italienne membre du Mouvement 5 Étoiles, a refusé de le signer et a dépêché deux navires pour escorter l’Open Arme afin d’évacuer les 32 mineurs à bord. La coalition gouvernementale est en train d’éclater.

Jamais en mal d’une provocation, Matteo Salvini avait auparavant conseillé au comédien Richard Gere, qui s’était rendu à bord du navire pour y apporter de l’eau et de la nourriture, d’en profiter pour aller bronzer à Ibiza en accompagnant le navire vers l’Espagne. S’il devient demain Premier ministre à la faveur d’élections remportées par la Ligue, les dirigeants européens ne vont pas être déçus.

Le HCR a appelé les gouvernements européens à autoriser le débarquement des réfugiés. Selon l’organisation internationale, les ONG « jouent un rôle inestimable (…) l’engagement et l’humanité qui les motivent ne doivent pas être criminalisés ou stigmatisés ». Elle rappelle que les réfugiés secourus ne doivent pas être ramenés en Libye, « qui n’est pas un endroit sûr ».
Un accord serait sur le point d’être trouvé, selon le quotidien espagnol El Pais, la France, l’Allemagne et l’Espagne étant prêt à recueillir des réfugiés, mais cela ne concernerait que ceux de l’Open Arms. Et rien n’est encore officiellement annoncé.

Combien de temps ceux de l’Ocean Viking vont-ils devoir à leur tour attendre ? Ces semaines en mer dans des conditions difficiles et d’incertitude font-elles partie de la punition que les gouvernements européens entendent infliger aux rescapés, ou le fruit de leur désinvolture et de leur inconséquence ?

Le gouvernement français prétend être actif dans la recherche d’une solution, mais qu’est ce qui lui interdirait d’ouvrir un port au lieu de se réfugier hypocritement derrière la lettre de la réglementation qui prévoit « le plus proche » du lieu de sauvetage ?

2 réponses sur “Une désinvolture largement partagée”

  1. «Voyage des damnés»: des centaines de réfugiés bloqués en Méditerranée

    Cette année marque le 80e anniversaire du tristement célèbre voyage depuis Hambourg vers les Amériques du paquebot allemand Saint Louis avec 937 passagers à bord, presque tous des réfugiés juifs allemands fuyant les persécutions nazies.

    Bien que le gouvernement cubain leur ait vendu des visas, les autorités ont empêché les réfugiés de débarquer lorsqu’ils sont arrivés au port de La Havane le 27 mai 1939. Après avoir attendu une semaine dans le vain espoir que les autorités cubaines reviendraient sur leur décision, le St. Louis a fait route vers la Floride dans l’espoir que les États-Unis leur donneraient refuge. Mais le gouvernement démocrate de Franklin Delano Roosevelt refusa également d’accueillir les réfugiés. Les tentatives d’entrer au Canada et en République dominicaine furent également repoussées.

    N’ayant d’autre choix que de rentrer en Europe, le St. Louis accosta dans le port belge d’Anvers, le 17 juin. Moins d’un an plus tard, la Belgique était occupée par la Wehrmacht. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, 256 passagers du Saint-Louis avaient péri, assassinés dans l’Holocauste.

    Les détails de cet événement sont rapportés dans le livre Voyage of the Damned et le film du même nom. Le destin du Saint-Louis était le symbole et signe annonciateur d’une barbarie sans précédent, comportant la «Solution finale» de Hitler, et qui devait engloutir l’humanité dans une guerre mondiale qui allait coûter la vie à quelque 85 millions de personnes.
    la suite…
    https://www.wsws.org/fr/articles/2019/08/15/pers-a15.html
    REMEMBER !

    merci à vous pour votre indignation que je partage, lecteur fidèle de votre site et celui de Paul Jorion
    salutations respectueuses

  2. « Le gouvernement français prétend être actif dans la recherche d’une solution, mais qu’est ce qui lui interdirait d’ouvrir un port au lieu de se réfugier hypocritement derrière la lettre de la réglementation qui prévoit « le plus proche » du lieu de sauvetage ? »

    Rien ! Donc ces gens qui dirigent ne méritent tout simplement pas la dignité qui est donnée à chaque être humain. Nous devons les mépriser et les déconsidérer en tout. Et il est de notre devoir de leur ôter toutes leurs responsabilités dont les épreuves montrent qu’ils sont incapables et indignes d’en affronter la charge.

    Virons ces pleutres avant qu’on nous assimile à eux !

    Ouvrons les frontières et embrassons notre destin.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.